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Date d'inscription : 05/03/2016
[Roman] Trévor l'Illusionniste
Mer 16 Mar - 16:47
Projet de roman inachevé, écrit à mes 17 ans.
3 chapitres ^^
3 chapitres ^^
- Chapitre 1:
- Le fort se dressait sur un a-pic de granit rocheux. Sa façade extérieure, constituée de gros blocs de marbre de plusieurs quintaux, était striée de nombreuses meurtrières. Quatre tours de guet la surmontaient, une à chaque coin. Un poste de gardes précédait le pont-levis qui permettait de pénétrer dans le fort. Ensuite, il fallait encore passer une massive porte de bronze à double battant, puis franchir une grille de fer avant de pénétrer dans la cour dominée par Le Donjon, un bâtiment rectangulaire et tout en hauteur. Là résidait les Gardes Impériaux chargés de la protection du village de Sedia.
Le soleil se leva dans la cour, éclairant l’aire d’entraînement. Une trentaine de Gardes s’y trouvaient, pour la plupart occupés à des duels à l’épée ou au bâton. Adossé au mur du Donjon, l’un d’eux regardait distraitement un duel entre deux sabreurs. S’il était vêtu comme ses camarades d’une cotte de maille en acier sur une tunique de cuir souple, il portait en plus l’écharpe turquoise de la guilde de magiciens officielle de l’empire, l’Ordre des Illusionnistes. Il tenait son sabre à la main et semblait perdu dans des réflexions intérieures.
« Trevor ! »
La voix le fit sursauter. Il se retourna et se retrouva face à un homme entièrement vêtu de cuir sombre. Trevor se redressa et, portant son sabre à l’épaule :
« Commandant, dit-il.
Il déglutit tandis que le commandant Klein approchait.
- Trevor, dit celui-ci, je croyais vous avoir dit de vous entraîner plus sérieusement !
- C’est exact, mon commandant, répondit Trevor. Mais nous n’avons eu aucune attaque de pillards depuis maintenant six mois.
Klein s’approcha lentement, jusqu'à ce que son visage fût à moins de trente centimètres de celui de Trevor.
- Vous êtes peut-être un Illusionniste de talent, Trevor, cracha Klein, mais vous n’êtes pas devin ! L’ennemi peut attaquer n’importe quand !
Trevor recula jusqu'au mur. Klein poursuivit :
- Vous êtes un de mes hommes, Trevor, et, jusqu'à ce que l’Empereur en décide autrement, vous devez m’obéir au doigt et à l’œil ! ».
Soudain, une cloche sonna, détournant l’attention du commandant. Autour d’eux, les duels s’arrêtèrent, tout le monde se figea. On entendit la cloche sonner trois coups, marquer une pause et recommencer. Klein blêmit :
« Qu’est ce que je vous disais ! » dit-il, puis, il aboya : « Tous à vos destriers ! »
Immédiatement, tous les Gardes présents se précipitèrent à la recherche de leurs chevaux, laissés libres dans l’enceinte de la forteresse. Trevor ne se donna pas cette peine. Portant deux doigts à ses lèvres, il siffla une longue note dans l’air. Quelques secondes plus tard, Aréion, son cheval brun terreux, arriva en trombe devant lui. Comme à son habitude, il s’était précipité à la rencontre de son maître dès le premier coup de cloche. Trevor sauta en croupe, puis, espérant qu’il n’y aurait pas trop de monde sur leur chemin, il talonna sa monture. Aréion partit au triple galop, laissant tout juste à son maître le temps de se stabiliser. Trevor savoura un instant la caresse du vent sur son visage, puis dirigea Aréion vers le pont-levis. Il le franchit une fraction de seconde avant que la meute déchaînée des Gardes sur leurs montures ne s’y engage. Une fois dehors, un cavalier se détacha de la mêlée derrière lui et, à une vitesse stupéfiante, passa devant lui pour se placer en tête de la troupe. Trevor grogna de dépit. Aréion était le cheval le plus rapide de toute la région – juste après Foudre, la noire monture du commandant Klein.
La troupe descendait à vive allure la pente qui allait jusqu'à la vallée quand soudain les coups de cloches s’arrêtèrent. Un peu inquiet, Trevor tissa un charme et l’étendit à l’ensemble du groupe. Les chevaux accélérèrent brusquement, démontant presque leurs cavaliers. La troupe grimpa en trombe une colline. Arrivée en haut, elle eut une vision plongeante sur le village de Sedia et sur la Mer.
Le village possédait une place centrale, qui constituait son cœur : de la partaient trois routes principales, dessinant les trois quartiers – le quartier résidentiel, le quartier commerçant et le port. La pèche étant l’activité principale du village, il était d’ordinaire très paisible : Peu de pillards étaient enclins à défier les terribles Gardes Impériaux pour quelques brochets.
A force de voir presque chaque jour les horreurs de la Guerre, les Gardes avaient fini par s’habituer aux massacres en tous genres. Pourtant, ils frémirent tous au spectacle auxquels ils assistaient. Un gros trou creusé au beau milieu de la place déversait un torrent de créatures hideuses. La peau grise, un crane nu, des canines saillantes, une gueule démesurée sous un nez épaté, des bras longs et maigres, des doigts courbes et griffus, des jambes musclées, les monstres semblaient sortir tout droit des Enfers. Ils étaient armés de divers instruments, allant de la hache au glaive, et faisaient un carnage parmi les villageois.
« Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda lentement Marcos, l’un des Gardes.
- Des Greiis », répondit un autre, Brelan, d’une voix atone.
Tous les Gardes frémirent. Chacun avait entendu parler de ces Monstres venu du Grand Nord, par-delà les montagnes des Goules. Ils vivaient en bande d’une trentaine d’individus, et étaient menés par un Dominant plus grand et plus fort que les autres. C’était des Fouisseurs, le genre de Monstre à se déplacer sous terre. Ils étaient constamment en quête de nouveaux territoires ; Pourtant, ils n’étaient jamais descendus aussi loin. Et toute une escouade de Gardes Impériaux suffisait généralement à peine à contenir une bande de Greiis. Sauf s’ils étaient soutenus par un bon Illusionniste…
« Qu’importe ce qu’ils sont, intervint le commandant d’une voix autoritaire, nous devons faire notre travail : Les éliminer. Gardez-en un ou deux pour savoir ce qu’ils viennent faire par ici. Trevor, ajouta-t-il, vous savez quoi faire… ».
Trevor acquiesça et demanda :
« A quel degré, commandant ?
- Le maximum ! »
Trevor grimaça tandis que les autres Gardes s’agitaient : Le commandant Klein détestait l’usage de magie et se contentait généralement de demander une Protection des points vitaux. Qu’il demande le maximum de Protection possible avait de quoi inquiéter…surtout que Klein venait lui-même du Grand Nord : il était l’un des rares à avoir vu ce dont les Greiis étaient capables !
Trevor ferma les yeux, se concentra et étendit les doigts. Une vague d’énergie bleutée en jaillit soudain et enveloppa le petit groupe. Les chevaux renâclèrent : La magie indisposait toujours les animaux. Quand la vague se fut dissipée, Trevor rouvrit les yeux :
« Voilà ! Maintenant, nous sommes plus forts, plus rapides, et protégés contre tous les coups ou presque. Mieux vaut quand même se dépêcher, le sort ne tiendra pas longtemps ! » Les Gardes talonnèrent immédiatement leurs chevaux et descendirent le versant de la colline a pleine vitesse. Trevor, lui, mit pied à terre, dégaina son sabre et descendit à pied : Aréion était trop précieux pour qu’il risque de le perdre et il ne pouvait le Protéger, les chevaux comptant parmi les animaux les plus sensibles à la magie. Seuls les sorts mineurs comme celui qu’il avait lancé un peu plus tôt sur la pente étaient tolérés et le Sort de Protection n’en faisait pas partie…
Trevor venait à peine d’arriver sur le champ de bataille qu’un Greii se précipita vers lui, un glaive au bord dentelé pointée dans sa direction. Usant de l’incroyable force que lui conférait la magie, Trevor attrapa le poignet armé, le fit tournoyer et plongea la terrible lame dans le ventre de son adversaire. Emettant un horrible gargouillement, la créature s’effondra. Trevor raffermit sa prise sur son sabre et entra au cœur de la mêlée.
Pendant dix minutes, Trevor ferrailla, distribuant des coups à la volée. A un moment un Greii jaillit de terre devant lui et, le prenant par surprise, lui entailla le bras droit. Trevor comprit que le Sort de Protection se dissipait. Tout en parant un deuxième coup, Il se concentra et renforça le Sort. La fatigue qui l’accablait redoubla tandis que le sort reprenait vie. Serrant les dents, il l’oublia pour se concentrer sur le combat.
Enfin, les derniers Greiis tombèrent. Brelan vint alors le chercher :
« Le commandant te demande. »
Trevor acheva de bander son bras blessé et le suivit jusqu'à un arbre planté au beau milieu de la place centrale, tout près du gros trou creusé par les Greiis que des Gardes étaient en train de reboucher. Un Greii y était adossé, trois sabres pointés sur lui. Recroquevillé sur lui-même, il semblait mal en point et grognait de douleur. Klein se tenait en face de lui, bras croisés. Il avait une vilaine coupure à la jambe gauche. Il se tourna vers eux et dit en désignant sa blessure :
« Trevor ! Vous pourriez vous concentrer mieux que ça quand vous tissez vos sorts !
- Désolé, commandant ! Mais c’est difficile quand on n’arrête pas d’entendre des reproches ! »
Klein le regarda sévèrement :
« Si vous recevez des reproches, c’est que vous les méritez ! Maintenant arrêtez de faire le mariole et examinez-moi ça ! » dit-il en désignant le Greii de sa botte.
Trevor soupira. Il détestait faire cela. Ravalant une réplique acerbe, il se concentra et pausa sa paume sur le front du Greii. Celui-ci tressaillit, puis se mit à gigoter en poussant des grognements plaintifs, qui se transformèrent soudain en un hurlement suraigu. Tous les Gardes se bouchèrent les oreilles tandis que les vitres d’une maison proche éclataient. Soudain, le Greii cessa de hurler. Et de bouger. En grimaçant, Trevor retira sa paume du front du Greii tandis que Klein aboyait :
« Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Cela veut dire que les Greiis sont plus proches des animaux que des humains, répondit calmement Trevor, et qu’il n’a pas supporté le contact de la Magie. »
Franck, l’un des Gardes, demanda :
« Quoi ? Attends, ça ne veut pas dire qu’il est… ?
- Si, il est bien mort. »
Trevor avait parlé d’une voix froide. Il était dans la tête et les pensées du Greii lorsque celui-ci était mort. C’était une expérience éprouvante : il avait eu l’impression de mourir avec la créature.
« Avez-vous eu le temps de savoir pourquoi ils étaient descendus aussi loin depuis le Grand Nord ? demanda Klein plus calmement.
Trevor le regarda droit dans les yeux :
- Commandant, je crains que les nouvelles ne soient pas très bonnes – pour ne pas dire franchement mauvaises ! »
2
- Chapitre 2:
- Apres avoir récupéré Aréion, Trevor se dirigea vers le reste de la troupe. Malgré le Sort de Protection au degré maximum et l’habileté martiale des Gardes, le groupe comptait peu d’indemnes, mais, par miracle, aucun mort. Dès qu’il eut repris sa place au deuxième rang de la troupe, celle-ci se mit en route. A leur passage, les villageois les acclamaient. Trevor eut un pincement de cœur en constatant que moins de la moitié du village se trouvait sur le bord de la route. Les autres étaient blessés…ou morts. Encore une fois, il repensa à ce qu’il avait vu dans l’esprit du Greii…
Un fleuve coulant de gauche à droite. De gros blocs de glace entraînés par le courant. Sur son bord, une foule de Greiis. Soudain, Gelas, le Dominant Suprême, celui qui a su unifier toutes les bandes de Greiis à travers le Grand-Nord se redresse et, s’adressant à tous ceux qui l’entourent :
« Toutes nos eaux sont gelées. Même sur le fleuve le plus au sud du Grand Nord ou nous nous trouvons, le processus est en cours. Voulons-nous mourir de faim ? »
Tous les Greiis présents lui répondent en chœur :
« NON !
- Voulons-nous mourir de soif ?
- NON !
- Les humains nous ont confinés dans ce pays froid et aride. Ils nous ont volé le droit d’avoir chaud ! Ils nous ont volé le Soleil ! »
Un murmure étonné parcourt l’assemblée. Des regards se tournent vers le ciel et son disque pâle.
« Quand je dis Soleil, je ne parle pas de ce pâle lumignon, explique Gelas, je parle du vrai Soleil, celui qui chauffe, celui qui fait pousser les plantes ! Celui qui brûle parfois, mais réchauffe toujours ! Celui qui fait fondre la Glace ! »
Tous écoutent avec attention. Le Dominant Suprême reprend :
« Oui, les humains nous ont volé le Soleil… »
Le regard de Gelas, ardent comme la braise, fait le tour de l’assemblée.
« … Mais nous allons le reprendre ! »
Trevor s’ébroua. A ses cotés, Franck et Marcos le regardaient avec inquiétude. Derrière eux, Brelan talonna son cheval. Il arriva à leur hauteur et dit :
« Cela n’a pas de sens ! Les Greiis ont eux-mêmes choisi de vivre dans le Grand Nord ! Ils considéraient cela comme une épreuve, un moyen de nous prouver qu’ils pouvaient supporter des contraintes climatiques plus importantes que nous !
- Ca, c’est ce que nous disent les livres d’histoires…écrits par les humains ! » rappela Marcos. Il était le plus rationnel des trois amis de Trevor.
« En quoi ça nous avance de savoir ça ? L’important c’est de trouver comment les arrêter ! intervint Franck.
- Faux ! L’important, c’est de savoir si on peut les arrêter ! martela Trevor. Presque toute l’Armée Impériale est concentrée sur le Front Est pour bloquer l’avancée de l’armée Vaniane ! Et ils sont soutenus par plus de la moitié des Illusionnistes de l’empire ! La meilleure moitié ! A moins que l’Empereur n’admette sa défaite face au Royaume de Vania, nous ne serons jamais assez pour contrer toutes les bandes de Greiis réunis !
- Comme si nous n’avions pas assez d’une Guerre, il faut que nous subissions une invasion des Greiis ! pesta Franck.
- De toutes façons, même si l’Empereur Nero se rend au Roi Boris, notre armée et tellement affaiblie par dix ans de Guerre qu’elle se ferait balayer par les Greiis. Seuls la Garde peut faire quelque chose. »
C’était Klein qui venait de parler. En tête de la troupe, le commandant ne s’était pas retourné. Trevor soupira. Klein disposait d’une excellente ouïe qu’il savait utiliser. Plusieurs Gardes s’étaient déjà retrouvés en situation délicate, lorsque le commandant les avait surpris en train de médire de l’Empereur. Heureusement pour eux, Klein ne pensait lui-même pas beaucoup de bien de celui qui les gouvernait…
Dés qu’ils furent arrivés au fort, Klein leur ordonna de reprendre l’entraînement et s’isola avec ses deux lieutenants, Clark et Bastian, dans la grande salle du Donjon. Une fois dans l’aire d’entraînement, Trevor proposa à Brelan un duel au sabre. Les deux bretteurs dégainèrent. Marcos, intéressé, s’accroupit en face d’eux et les regarda se mettre en garde. Franck, quant à lui, se munit d’un arc et alla se placer devant une cible, à quinze mètres de distance. Il encocha une flèche, banda l’arc, amenant l’empennage de la flèche jusqu’à sa joue, puis ouvrit les doigts. La flèche alla se ficher exactement au centre de la cible. Au même moment, Trevor passa à l’attaque. Il parcourut la distance qui le séparait de Brelan en trois bonds et frappa. Brelan écarta la menace d’un mouvement de poignet, feinta au genou et remonta la lame vers la gorge. Trevor esquiva au dernier moment.
Trevor était plutôt bon au sabre, suffisamment pour tenir tête à trois pillards en même temps – et sans l’aide de magie. Mais Brelan était de loin le meilleur épéiste du fort. Depuis qu’il portait l’uniforme des Gardes Impériaux, il avait gagné pas moins de six tournois, et survécu à treize duels mortels – et il n’avait pas encore vingt ans. Il était né avec un sabre dans la main.
Il esquiva aisément un dernier coup et, soudain, Trevor se retrouva avec la lame de son adversaire à deux centimètres de sa gorge. Il baissa son sabre. Le duel avait duré moins d’une minute. Brelan, Trevor et Marcos se tournèrent alors vers Franck. Celui-ci avait déjà fiché une douzaine de flèches au centre de la cible, qui se trouvait désormais à cinquante mètres.
Si Brelan était né avec un sabre dans la main, pour Franck, c’était un arc. Il pouvait toucher le centre d’une cible à plus de cent mètres – avec le vent en face. Il faisait d’ailleurs parti du groupe de chasseurs chargés d’approvisionner le fort en viande fraîche. Agé de seulement dix-huit ans, il était le meilleur tireur du fort.
Pour Trevor, ce n’était pas très difficile d’être le meilleur Illusionniste du fort – il n’y en avait qu’un. Mais il était quand même l’un des meilleurs éléments de son Ordre. Seul le Haut Mage, chef suprême de l’Ordre, et les quatre Gardiens, chargés de la sécurité personnelle de l’Empereur le surpassaient – en expérience, pas en talent. Car Trevor, malgré ses vingt-trois ans, était l’Illusionniste le plus talentueux depuis le mythique Zoan, mort cinq cents ans plus tôt – s’il avait un jour existé.
Quant à Marcos, son arme de prédilection était le bâton. Si bien des Gardes du fort le surpassaient dans la force brute, il compensait cette faiblesse par sa subtilité explosive, son imagination débridée, et son sens naturel de la stratégie. Comme ses camarades, il était le meilleur du fort dans son domaine. Il était aussi, avec ses vingt-cinq ans, le plus âgé des quatre amis, mais aussi le plus raisonnable…
Quelques heures plus tard, tous les Gardes se retrouvèrent au réfectoire du Donjon. Tout en déjeunant, Ils parlèrent de la Guerre. Elle avait commencé dix ans plus tôt lorsque le Tyran Claudius avait été renversé par Nero, alors général de son armée. Claudius s’était réfugiée dans le royaume voisin de l’Est, le Royaume de Vania, et avait déclaré au Roi Boris que l’Armée Impériale de Nero était affaiblie par la guerre civile provoquée par le putsch. Boris, avait immédiatement déclaré la Guerre à Nero, sans tenir compte de l’avis de ses généraux qui lui demandait d’attendre le rapport de leurs espions pour confirmation. Lorsque le Roi s’était rendu compte que le départ de Claudius n’avait provoquée aucun mouvement de révolte parmi la population, il était trop tard pour revenir en arrière. Depuis, les deux armées s’entre-exterminaient pour la gloire de leur état respectif.
Trevor nota que chacun évitait avec soin de parler de la nouvelle menace qui pesait sur l’Empire. Il se demandait qu’en penser quand le commandant Klein et ses lieutenants Bastian et Clark entrèrent dans la salle. Toutes les conversations se turent. Les nouveaux venus s’assirent tranquillement et commencèrent à manger. Les conversations reprirent peu à peu. Trevor replongeait sa fourchette dans son assiette quand il sentit que Clark, qui s’était assis à sa gauche, lui donnait un coup de coude. Il jeta un coup d’œil dans sa direction. Clark dit doucement « Toi et tes copains, tout à l’heure, dans le bureau de Klein » puis se détourna. Trevor soupira et posa sa fourchette. Il n’avait plus faim.
Trevor, Marcos, Brelan et Franck avançaient dans un couloir du Donjon. Ils tournèrent deux fois à gauche, puis une fois à droite, dévalèrent un escalier et s’arrêtèrent devant une porte en bois sombre. Là, ils se consultèrent du regard, puis, résolument, Trevor frappa trois coups. Il attendit un moment, puis tourna la poignée. La porte s’ouvrit sur une pièce meublée sobrement d’une simple table ronde entourée de siéges. Klein et ses deux lieutenants les y attendaient, lui assis, eux debout. D’un geste, Klein indiqua aux nouveaux-venus des sièges placés devant lui. Trevor et ses camarades s’assirent.
Plusieurs minutes s’écoulèrent sans qu’un mot fût prononcé. Enfin, Klein dit :
« La situation est très grave. Il faut en faire part à l’Empereur. Avec tous ces pillards dans la région, impossible d’envoyer un simple messager à la Capitale. C’est donc vous qui irez. »
Trevor hocha lentement la tête. Il demanda cependant :
« Pourquoi nous, particulièrement ?
- Vous, parce que l’Empereur voudra examiner les souvenirs du Greii qui sont en vous, vos amis pour que la route jusqu'à Tyr ne vous semble pas trop longue… et Clark parce que je ne vous fais pas confiance !
- Sympa de nous laisser aller avec lui, dit Brelan.
- Depuis le temps que je voulais voir à quoi ressemble la Capitale… ajouta Franck.
- Quand part-on ? demanda Marcos.
- Demain, à la première heure ! répondit Clark. D’ici, là, reposez-vous ! »
Les quatre amis se levèrent, saluèrent et sortirent sans un mot.
Une fois dans le couloir, Brelan déclara :
« Ca ne ressemble pas à Klein de nous envoyer à Tyr juste pour bavarder avec un ami.
- C’est peut-être une promotion ! s’exclama Franck, enthousiaste. Peut-être que l’Empereur à décidé de refaire son corps de garde personnel et veut engager les meilleurs guerriers de l’Empire !
- C’est presque ça ! dit Marcos en souriant. Pas mal de Greiis se sont enfuis par le trou qu’ils avaient creusé, et ils doivent savoir qu’il vaut mieux pour eux que l’Empereur ne sache pas tout de suite ce qu’ils préparent.
- Tu veux dire qu’ils pourraient nous attaquer durant le voyage ? demanda Trevor. C’est pour cela que Klein me donne ses meilleurs guerriers pour escorte ?
- C’est cela ! Surtout que Les Greiis doivent commencer à se poser des questions ! Ils n’avaient certainement pas prévu que leurs guerriers se ferraient battre par une seule troupe de Gardes…
- Mais, et si les Greiis s’attaquaient au village ? Sans Illusionniste, personne ne sera en mesure de le défendre ! » s’inquiéta Franck.
Personne ne répondit. Marcos ne souriait plus.
Une fois dans sa chambre, Trevor s’allongea sur son lit et se mit à réfléchir. Il n’avait pas revu la Capitale depuis qu’il avait été envoyé à Sedia par l’Ordre, cinq ans plus tôt. La décision avait été prise brusquement, son départ précipité, et Trevor n’en avait compris la raison que trois semaines après son arrivée au fort : Le Haut Mage Linus avait été destitué. Si Trevor s’était trouvé à Tyr, la Capitale, à ce moment-là, le poste lui serait échu tout naturellement, en tant qu’Illusionniste le plus talentueux depuis le mythique Zoan. Or, si Trevor avait du talent, il était loin d’avoir l’expérience du nouveau Haut Mage, Ryan… qui était d’ailleurs son propre mentor. Trevor sentit un goût amer dans sa bouche. Il n’avait toujours pas réussi à pardonner ce qui lui semblait une trahison.
Il chassa ses sombres pensées et se redressa. Il avait encore à faire. Il passa le reste de la journée à préparer ses bagages pour le voyage. Puis il descendit dans la cour. Le soleil était très bas à l’horizon. Trevor siffla Aréion, et ils allèrent galoper en direction du village. Arrivé en haut de la colline, Trevor contempla le spectacle : Le soleil se couchait sur la mer, et ses derniers rayons éclairaient d’une lueur orangée les maisons du village. De tous les cotés, des bûchers funéraires s’élevaient. Tandis que les rescapés de l’attaque rendaient un dernier hommage à leurs morts, le soleil disparut soudain derrière l’horizon. Immédiatement, tous les bûchers s’enflammèrent au même moment. Trevor sentit une vague d’émotions contradictoires déferler en lui : colère contre les Greiis qui avaient massacré des innocents, vertige devant la beauté de la scène, bonheur de pouvoir la contempler, et regrets de devoir quitter ce lieu se mêlèrent. Trevor s’imprégna un moment de la scène, puis redescendit lentement le versant de la colline. Il inspira profondément, savourant tous les parfums de la nuit, et talonna Aréion pour rentrer au fort.
Une fois de retour, il confia Aréion aux soigneurs des écuries, avec pour consigne de le tenir prêt pour un long voyage le lendemain à la première heure. Il retrouva ensuite ses amis dans le Donjon, et ils se dirigèrent vers le réfectoire. Ils dînèrent frugalement, puis, allèrent à la Bibliothèque pour se documenter sur les Greiis. Ne trouvant rien d’intéressant, ils se résolurent à monter se coucher. Ils devaient être en pleine forme pour le voyage.
Le lendemain, les quatre compagnons se retrouvèrent dans la cour au lever du soleil. Clark les rejoignit peu après. Ensemble, ils se dirigèrent vers les écuries. Les chevaux étaient nerveux, comme à chaque fois qu’ils étaient sellés. D’habitude, les Gardes ne les montaient que lorsque Sedia était attaqué. Les attaques n’étant jamais prévisibles, les chevaux s’étaient habitués à être montés à n’importe quel moment et leurs cavaliers à monter à cru. Les selles n’étaient utilisées que lors des voyages, qui n’étaient guère nombreux dans cette partie de l’Empire. Aréion aussi avait été sellé et ses fontes garnis de provisions. Trevor flatta l’encolure de son cheval, puis le conduisit dans la cour. Il regarda sans réelle surprise l’attroupement de Gardes qui s’était formé à l’extérieur. Clark, l’air grave, fit un signe à sa petite troupe. Sous le regard de leurs compagnons, ils montèrent en selle. Clark fit un nouveau signe et la troupe s’ébranla. Ils franchirent le pont-levis, puis, galopèrent vers le sud-est. Pas un mot n’avait été prononcé.
- Chapitre 3:
- Trevor, ses amis et Clark galopaient sur la route pavée. Cela faisait trois heures qu’ils avaient quittées le fort. Le groupe avait tout d’abord voyagé à travers plaine, traversé une rivière à gué avant d’arriver sur cette route. Depuis, ils la remontaient en direction de l’Est, et la monotonie du paysage commençait à agacer Trevor. Brelan amena son alezan, Zade, à sa hauteur, lui fit un signe, et piqua des deux ; Trevor, amusé, se pencha à l’oreille d’Aréion et lui murmura quelques mots. Aussitôt, le cheval accéléra. Ils passèrent devant un Clark médusé, et rattrapèrent sans peine Brelan et Zade. Ils poursuivirent leur course encore un moment, puis Aréion ralentit et reprit son allure de base. Clark les rattrapa et hurla :
« Brelan ! Trevor ! Cessez de faire les pitres ! »
Au même moment, une dizaine d’hommes apparurent, comme surgis de nulle part.
« Un charme d’invisibilité ! » s’exclama Trevor.
Les nouveaux venus entourèrent rapidement les trois hommes.
« La bourse ou la vie, c’est ça ? demanda Brelan avec ironie.
- La bourse et la vie, rectifia le plus grand des pillards.
Clark soupira et déclara :
- Nous n’avons pas de temps à perdre ! Trevor… »
Trevor était déjà prêt et il n’eut qu’à tendre la main : Une vague d’énergie jaillit de ses doigts et recouvrit les dix hommes qui se retrouvèrent tout à coup figés.
« Un charme d’immobilité… ne put-il s’empêcher d’expliquer.
A ce moment, une voix s’éleva derrière eux :
- C’est tout ce que vous savez faire ? »
les trois hommes se retournèrent. Un onzième pillard, entièrement vêtu de soie noire, venait de surgir de nulle part. Automatiquement, Brelan et Clark portèrent la main à leur sabre. Ils essayèrent de les tirer, mais les sabres semblaient collés à leurs fourreaux.
« Un Mage Noir ! » comprit Clark, le visage blême.
Les Mages Noirs étaient des illusionnistes renégats ayant trahis l’empire. Quelques-uns se servaient de leurs pouvoirs pour dominer des bandes de pillards, mais la plupart étaient des parias et vivaient dans l’anarchie la plus totale. On disait souvent « L’Ordre des Illusionnistes, le Chaos des Mages Noirs »
Le Mage Noir jeta un regard narquois aux deux sabreurs, puis se focalisa sur ses hommes. Il se concentra…et écarquilla soudain les yeux, pour s’effondrer face contre terre, dévoilant la flèche plantée entre ses omoplates. Marcos et Franck les rejoignirent. La corde de l’arc de Franck vibrait encore. Marcos regarda autour de lui :
« Vous auriez pu nous en laisser, quand même ! ironisa-t-il.
- Nous n’avons pas le temps de nous amuser, articula calmement Clark. Dépêchons de filer avant que le charme ne se dissipe ! ».
Les cinq hommes reprirent leur route.
Il faisait presque nuit quand ils s’arrêtèrent pour bivouaquer près d’une rivière. Clark ordonna :
« Marcos et Brelan, vous trouvez de quoi faire du feu. Trevor, tu sécurises la zone. Franck et moi, on va chasser.
- Pour quoi faire ? On a des provisions ! protesta Brelan.
- A partir de demain, nous devrons traverser la Plaine Aride. C’est la que les provisions seront utiles.
- On en a assez pour les trois jours qu’il nous faut pour arriver à Tyr ! dit encore Brelan.
- On n’est jamais trop prudents ! Maintenant arrêtez de discuter et obéissez ! »
Trevor se concentra un moment, puis libera une vague d’énergie qui recouvrit toute la zone.
« Et voilà ! Plus personne ne peut pénétrer dans cette zone à part nous ! » dit-il, satisfait.
Franck et Clark s’éloignaient leurs arcs à la main. Marcos et Brelan finirent d’attacher leurs chevaux, puis les suivirent. Trevor se retrouva momentanément seul. Il en profita pour donner leur foin aux chevaux. En passant près d’Aréion, il ne put s’empêcher de flatter son encolure :
« Félicitations pour tout à l’heure ! C’était une très belle course ! »
Aréion hennit de satisfaction. Soudain, il s’agita. Trevor tenta de le calmer, mais un bruit derrière lui le fit se retourner. Il se figea de stupéfaction. Le sol, qui était littéralement en train de se déchirer, s’effondra brusquement, dévoilant un trou par où surgirent une dizaine de Greiis. Ils regardèrent autour d’eux, et se mirent à grogner dés qu’ils virent Trevor. Les premiers monstres bondirent vers lui… et vinrent s’écraser contre le mur d’énergie que Trevor avait créé. Celui-ci modifia la trame de son sort, et brusquement, ses adversaires se retrouvèrent face à un mur de flammes. Les plus proches se mirent à flamber comme du bois sec et se précipitèrent en hurlant dans la rivière. Les autres refluèrent dans le trou béant et disparurent comme ils étaient arrivés. Trevor créa un bloc de pierre qui s’écrasa sur le trou, le bouchant complètement. Il se tourna alors vers ceux qui étaient encore dans la rivière. Ils étaient cinq. Trevor les recouvrait d’un dôme d’énergie destiné à les emprisonner quand Marcos et Brelan revinrent, les bras chargés de bois mort. Ils se figèrent de stupéfaction devant la scène. Trevor, épuisé par la dépense d’énergie, leur sourit faiblement :
« Finalement, Klein aurait pu m’envoyer tout seul ! » eût-il la force de déclarer avant de s’effondrer.
Lorsqu’il se réveilla, il était allongé sur le sol près du feu que ses amis avaient allumé. Une appétissante odeur de viande grillée flottait dans l’air et ses compagnons étaient en pleine discussion :
« Mais comment les Greiis ont pu pénétrer dans la zone sécurisée ? demandait Franck.
- Trevor à dit que personne ne pouvait pénétrer dans la zone, supputait Marcos, mais il n’a pas pensé que les Greiis, qui sont plus des animaux que des humains, n’étaient pas concernés par le sortilège !
- Faux ! » affirma Trevor en se relevant sur un coude.
Mais il était encore faible et il dut se rallonger, pris de vertige. Ses compagnons attendaient, nerveux. Finalement, Trevor continua :
« En fait, les Greiis étaient dans la zone depuis le début ! Ils dormaient sous terre et l’usage de magie les a réveillés !
- C’était sans doute des éclaireurs » intervint Clark.
Trevor avait suffisamment récupéré désormais pour se relever. Il regarda autour de lui. Un cerf cuisait à la broche sur le feu autour duquel ils étaient rassemblés. La rivière se détachait nettement de l’ombre, ainsi que le dôme d’emprisonnement. Celui-ci était vide.
« Où sont ceux que j’ai enfermés ?
Les autres eurent un sourire gêné.
- Ils ont creusé un tunnel pour s’échapper. Apparemment, tu n’avais pas protégé le sol. »
Trevor grogna de dépit. Pendant un moment, personne ne parla. Puis, Franck détacha une des cuisses du cerf et la huma :
« Il est à point ! » dit-il, et il ajouta en tendant le morceau à Trevor :
« Tu dois avoir faim après cette dépense d’énergie ! »
Trevor lui lança un regard reconnaissant. Il était en effet affamé. Il prit le morceau et mordit dedans à pleines dents. Ses compagnons découpèrent à leur tour une part de la bête et se mirent à la dévorer. Tout en mâchant la viande, Trevor réfléchissait. Finalement, les assertions de l’Ordre selon lesquelles il n’avait pas suffisamment d’expérience n’étaient peut-être pas sans fondements…
Au matin, ils reprirent la route. Trevor proposa de tisser un charme de vitesse pur les faire aller plus vite, mais Clark refusa.
« Pas la peine de te fatiguer pour rien !
- Nous allons bientôt atteindre la Plaine Aride, et il nous faudra toute la journée pour la traverser à vitesse normale ! insista Trevor. Je peux diviser ce temps par deux !
- Et nous pourrions arriver à la Capitale ce soir, ajouta Brelan. Je croyais qu’on était pressés… » Clark finit par accepter et Trevor tissa son charme. Immédiatement, la vitesse des chevaux fut démultipliée et ils atteignirent la Plaine Aride en moins d’une heure.
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